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Culture(s)

Etre auteur à l'ère du Web 2.0 : pas si facile...


Speedy Life
Lundi 7 Avril 2014





Internet permet aux artistes de tous bords de s'offrir une visibilité immédiate. Photographes, musiciens, graphistes et auteurs peuvent ainsi diffuser librement leurs créations. Avec les blogs et l'autoédition, l'écrit bénéficie d'une multitude de supports. Pourtant, il semblerait qu'il ne soit pas plus facile d'être auteur en 2014 qu'au début du 20ème siècle.


Photo : http://www.freedigitalphotos.net/
Photo : http://www.freedigitalphotos.net/

Le Web et la culture de l'immédiat : bons et mauvais côtés

Depuis plusieurs années, on assiste à une prolifération des blogs, ces espaces où chacun peut prendre la parole sur un sujet qui lui tient à cœur. Le nombre de blogs était estimé à plus de 160 millions en 2011. Si l'on prédit régulièrement leur disparition, il semble qu'ils restent un moyen d'expression prisé des internautes. Si certains choisissent de créer un blog pour publier des écrits sur les sujets les plus divers, d'autres vont jusqu’à se regrouper en véritables rédactions pour créer des Webzines, à l'image de Brain Magazine ou Kombini, deux « Pop Magazines » issus de la culture du blog. Limitation des risques financiers, contact direct avec les lecteurs, structure aisément évolutive, le webzine présente bien des avantages, loin de l’aspect journal intime du blog personnel.
 
De nombreux anonymes rencontrent ainsi un public autour d'une passion commune, échangent avec une communauté, et bénéficient d'une certaine notoriété, voire même écrivent des romans en ligne ou s'autoéditent. Des écrivains reconnus comme Chloé Delaume, François Bon, Claro ont Virginie Despentes ont fait la démarche inverse, en utilisant cet espace « privé » comme relai de leur travail, canal de communication vers leurs lecteurs, ou un moyen d’aborder des aspects plus intimes de leur écriture.

Relais d’opinion et influenceurs

Certains blogs connaissent des popularités considérables, au point d'interpeller des sociétés de communication, qui se sont penchées sur leur influence. En 2012, un sondage Livres Hebdo plaçait les blogs et médias internet en tête des médias qui influençaient le plus les lecteurs dans le choix de leurs livres : 47%. Faciles d'accès, gratuits, les blogs présentent de nombreux avantages sur la presse spécialisée. Présentant l’avantage de la proximité et de la simplicité, les avis des internautes rencontrent un fort écho auprès de ceux et celles qui se fient désormais plus à leurs semblables qu’à des critiques jugées parfois trop élitistes.
 
Démocratisation de la culture et de l'expression, partage, accessibilité, gratuité : l'espace 2.0 présente de nombreux avantages pour leurs lecteurs et leurs auteurs. Quelques nuances sont également à prendre en compte. Par exemple, le fait d’écrire confère-t-il spontanément le titre d'auteur ? Pas plus qu’un bloggeur n’est un journaliste ou un écrivain, même si certains en ont indéniablement le talent. Ce n’est pas non plus parce que l’on sait manipuler Photoshop que l’on peut s’improviser photographe. Etre auteur n’est pas un loisir, à quelques très rares exceptions près, c’est un métier qui exige rigueur, patience, humilité, et beaucoup de travail. Le Web, formidable terrain de jeux et d'expérimentation comporte certaines limites, mais peut aussi révéler des talents. Comment les professionnels de l'édition dite « classique » considèrent la création à l'heure du 2.0 ?

Le retour aux sources

Peut-être l’autoédition a-t-elle bénéficié de la défiance de certains auteurs pour les éditeurs. Lionel Tran, à la fois auteur et éditeur, résume cette perception des éditeurs : « On croit qu’il n’est là que pour les questions techniques et marketing, sinon c’est qu’il y a une mainmise. Mais le livre est destiné à être socialisé donc il faut qu’il puisse être lu par les autres. Je crois qu’il y a en France une sorte de sacralisation de l’auteur, et le premier à en souffrir c’est l’auteur lui-même. » Du coup, beaucoup d’auteurs se risquent seuls, dans l’anonymat d’internet. Mais tous n’ont pas renoncé à la nécessité de l’éditeur.
 
Et si le nombre de romans sortis en 2013 a été en baisse par rapport aux autres années (555 contre 642 en 2012), le nombre de premiers romans présentés dépasse de loin les chiffres de l'année d’avant : 86 contre 69 en 2012. Sans doute le phénomène est-il corrélé à la nouvelle génération d'éditeurs qui prend ses marques : Manuel Carcassonne chez Grasset, Alix Penent ou Guillaume Robert chez Flammarion, entendent faire bouger les codes d'un milieu sous pression, entre crise des libraires et lobbying des géants de la distribution.
 
Tristram, Ring, Asphalte, 13ème Note, le Diable Vauvert, Transboréal, Gallmeister... autant de noms et de démarches qui insufflent une nouvelle énergie dans le paysage littéraire, publiant parfois des « gros coups », à l'image du Serpent à Plumes, qui avait édité en 2011 « Axolotl Roadkill » d'Helen Hegemann. Le livre, qui raconte l'histoire d'une adolescente désœuvrée, est rapidement devenu un best-seller international.
 
« Ce qui compte, c'est la création, la persévérance, l'inspiration, souligne Arnaud Nourry, PDG de Hachette. Aux côtés des auteurs, notre métier de passeur, de pourvoyeur de repères, de donneur de sens, de créateurs d’objets est irremplaçable, particulièrement dans ce monde qui s’enivre de SMS, de tweets et d’instantanés. »
 
Ecrire et rencontrer le succès ont toujours représenté un défi pour les écrivains des siècles passés, et la multiplication des supports ne facilite pas la tâche. Avec le recul, il est maintenant aisé de constater combien la persévérance fait partie des qualités intrinsèques d'un bon auteur.




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