Bien-être

Le point sur les techniques et les méthodes pour le diagnostic d'Alzheimer


Speedy Life
Mardi 11 Octobre 2011




Par Patricia Lemontan

La maladie d'Alzheimer, qualifiée de grande cause nationale en 2007, ne cesse de progresser. En France, 860 000 cas sont aujourd'hui recensés mais la maladie pourrait concerner 1,3 million de personnes en 2020. Au niveau mondial, 35 millions de personnes sont touchées et ce chiffre pourrait atteindre 66 millions en 2030, voire 115 millions en 2050. Devant l'ampleur de ce fléau, le dépistage précoce et la prise en charge sont les deux grands défis auxquels nos sociétés sont confrontées, en attendant que la recherche porte ses fruits.


Une maladie encore mal connue

Bien que la pathologie soit décrite depuis 1907, ce n'est qu'en 1984 que les premiers critères cliniques de la maladie ont été officiellement établis. Et ces critères ne décrivaient la maladie qu'au seul stade de la démence. Il fallait alors attendre la mort du patient et l'autopsie pour confirmer le diagnostic en constatant une agrégation de plaques d'amyloïde et de protéines «tau» dans certaines zones du cerveau. Depuis, la recherche a permis d'établir peu à peu des pistes de diagnostic précoce, éléments clés pour l'avenir.

Les enjeux d'un diagnostic fiable et précoce

Il existe au moins 3 enjeux à établir un diagnostic fiable et précoce de la maladie. Le premier est bien entendu de pouvoir prendre rapidement en charge un patient malade et lui administrer le traitement adéquat au stade de sa maladie. Le second est le repérage précis du stade de développement de la maladie pour tenter de la ralentir, et le dernier est l'aide à la recherche. En effet, en caractérisant précisément les malades en fonction de la phase de développement de la maladie, on optimise l'efficacité des essais et des recherches sur les médicaments.

Un diagnostic précoce pourrait permettre de ralentir la maladie

Il est aujourd'hui avéré que les molécules de béta-amyloïde, considérées comme responsables de la maladie d'Alzheimer, s'accumulent dans le cerveau des patients pendant dix à quinze ans avant l'apparition de la maladie. Ce sont ces molécules particulièrement toxiques qui détruiraient les neurones et engendreraient la démence chez le malade. Or, la maladie est actuellement détectée alors que les premiers signes de démence sont déjà installés. Ainsi, un diagnostic précoce, en amont de l'apparition de ces symptômes, couplé à un traitement adéquat, pourrait limiter la progression de la destruction des neurones.

L'imagerie comme outil de diagnostic précoce

Actuellement, les médecins établissent le diagnostic d'Alzheimer par déduction, après avoir éliminé toutes les autres maladies possibles. Pour ce faire, ils mettent en oeuvre toute une batterie de tests de langage, de coordination des mouvements et de réflexes. Suite à quoi, sans pouvoir faire de diagnostic formel, ils concluent éventuellement à une "probable maladie d'Alzheimer". Un grand pas a été réalisé en septembre 2010 par une équipe de chercheurs français qui, pour la première fois, a proposé une méthode de dépistage alternative aux symptômes cliniques. Le Pr Dubois, qui dirige l'Institut de la Mémoire à l'Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, a ainsi montré qu'il était possible de diagnostiquer avec certitude la maladie d'Alzheimer grâce à des signes biologiques et d'imagerie. «Il n'est plus nécessaire d'attendre l'examen post-mortem pour confirmer la maladie, le diagnostic peut désormais être posé grâce aux biomarqueurs identifiables facilement chez les patients vivants, même à un stade très précoce de la maladie», a estimé le Pr Dubois dans un article paru dans Le Figaro.

Un diagnostic précoce pourrait donc être établi grâce à la technique de l'IRM, à la ponction lombaire et à l'imagerie fonctionnelle. Serge Backchine, neurologue au CHU de Reims, explique très concrètement dans une interview comment l'imagerie médicale permet d’observer le cerveau et devient un véritable outil de diagnostic de la maladie d’Alzheimer. Pour autant, ces tests ne peuvent pas encore être mis en oeuvre auprès de tous les patients potentiellement malades car ils sont beaucoup trop lourds. Ils permettent en revanche "de proposer des critères d'inclusion de patients pour des essais de nouveaux médicaments" selon le Pr Dubois.

Aux Etats-Unis, des critères de diagnostic plus précis

En avril 2011, l'Institut national du vieillissement aux États-Unis a annoncé, pour la première fois depuis 27 ans, de nouvelles recommandations pour établir le diagnostic de la maladie d'Alzheimer. Désormais, la maladie est caractérisée selon 3 stades : préclinique (sans symptômes), déficit cognitif modéré (troubles de la mémoire limités) et enfin démence (stade ultime de la maladie). Ces nouveaux critères seront bien sûr très utiles au moment où les médicaments permettront un véritable traitement de la maladie. Car, comme l'explique Olivier Guérin, gériatre au CHU de Nice, il subsiste encore de nombreuses imprécisions sur ce diagnostic précoce et de simples plaintes mnésiques doivent quand même être signalées au médecin en l'absence de critères plus précis de détection de la maladie. En attendant, les nouvelles recommandations sont déterminantes pour la recherche car elles ouvrent la voie à la détection harmonisée des formes précoces de la maladie dans l'objectif de mener des essais thérapeutiques à large échelle, sur des groupes importants et homogènes de patients ayant les mêmes diagnostics.

Un test sanguin bientôt commercialisé ?

Après 14 années de travaux de recherche, un nouvel espoir de diagnostic précoce est né en mai 2011 grâce à une équipe de chercheurs canadiens du Centre universitaire de santé McGill de Montréal. Le directeur de l'institut de recherche, le Dr Vassilios Papadopoulos, a annoncé avoir mis au point un test sanguin de dépistage qui pourra améliorer la qualité de vie des malades, voire conduire à un traitement de la maladie. Ces recherches ont porté sur une hormone sécrétée par le cerveau, la déshydroépiandrostérone, communément appelée DHEA. À la différence de personnes non atteintes, les chercheurs ont constaté que chez les malades d'Alzheimer, il n'y avait pas d'augmentation de cette hormone à la suite de l'oxydation de prélèvements de sang. «Il existe une nette corrélation entre l'incapacité à produire suffisamment de DHEA par oxydation du sang et le degré de détérioration cognitive des patients atteints de la maladie d'Alzheimer», explique le Dr Papadopoulos.

Ainsi, grâce à ce test qui pourrait être commercialisé d'ici 2014, le diagnostic de la maladie pourrait être établi dès ses débuts. Et cela donnera aux chercheurs davantage de chances de découvrir les médicaments tant attendus.


Dans la même rubrique :