Tendances

Mères Parfaites


Béatrix Foisil-Penther
Mardi 31 Mai 2016




Les « happymamas » comme on les appelle aux États-Unis, jouent la perfection. Une image lisse mais survendue.


La tenue des enfants assortie à celle de la mère, voire aux rideaux. Pas un cheveu qui dépasse, des enfants bien élevés, des mères à la silhouette de top model, au cerveau bien fait et qui préparent des cup cakes faits maison en un tour de main... Au secours, les happymamas comme on les appelle aux États-Unis, débarquent. Et avec elles, un cortège de détails plus parfaits les uns que les autres jusqu’au bout de leurs ongles manucurés. Comme le dit la journaliste du Monde, Zineb Dryef, ces happymamas  « sont devenues les attachées de presse de leur bonheur familial très scénarisé. » Au secours ? Oui, au secours.
 
La mère parfaite 2.0 revient via les réseaux sociaux. Mais aujourd’hui, contrairement aux années 50 et 60, elle est « désormais active, sportive et libérée du patriarcat, l’icône s’est modernisée », explique la journaliste de M, avant d’ajouter : « quand elle n’est pas en voyage, en réunion ou au yoga, elle trône, gracieuse et souriante, dans un intérieur où la vaisselle est délicate, les fleurs fraîches, les tapis berbères, les canapés scandinaves et les brioches home made. » Voilà pour le décor ou la forme.

Pour le fond, encore plus agaçant, elle est heureuse d’être mère. Tellement, qu’elle le fait savoir sur les réseaux sociaux, notamment sur Instagram, à coup de hashtags #happy, #happyfamily ou #supermamans, et de photos plus léchées, tu meurs. À l’ère numérique et du narcissisme exacerbé, des exemples, il y en a à la pelle : Mimi Thorisson, l’instagrameuse culinaire du Médoc, et ses sept enfants tirés d’une pub Bonton, bientôt huit ; l’américaine James Kicinski-McCoy et ses 244 000 followers sur Instagram. « Maman de quatre beaux enfants, mariée à un homme merveilleux », c'est elle qui le dit.

Autosatisfaction ou auto persuasion ? Dans tous les cas, de quoi filer le bourdon à celles qui n’ont pas confiance en elles. Car au royaume de la mère parfaite, tout l’est : « repas de famille, vacances, week-end, anniversaires », mais aussi déco, fringues, et mise en scène ! Le père quant à lui, fait de rares apparitions mais il est toujours « apprêté, savamment décoiffé, jamais négligé, et aussi méticuleusement habillé que ses enfants », peut-on lire dans M. Lui aussi est parfait, dans le décor parfait.
 
Pour Camille Froidevaux-Metterie, auteur de La Révolution du féminin publié chez Gallimard, « l’injonction à l’accomplissement maternel faite aux femmes n’a jamais été aussi forte qu’aujourd’hui (…) Comme l’enfantement est présenté médiatiquement et socialement comme le plus grand des bonheurs, il leur faut absolument coïncider avec cette valorisation sociale de la maternité. » Réussir sa vie de femme et de mère aujourd’hui, c’est l’exhiber ? Pour certaines oui, mais il est temps de leur rappeler : la mère parfaite n’existe pas, même passée au filtre Earlybird sur Instagram.


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