Un diagnostic difficile à établir
Cette difficulté du diagnostic est d’ailleurs soulignée par les spécialistes. « Distinguer un simple coup de cafard d’une dépression n’est pas simple car tout cela s’établit dans un continuum, et ce n’est qu’à un certain moment que l’on bascule dans la maladie. Et, pour les patients, cette bascule est une espèce de rupture muette », explique Alain Gérard, psychiatre à Paris. Toutefois, la dépression étant une maladie, elle peut toutefois être reconnue à des symptômes, bien que ceux-ci s’expriment différemment selon l’âge, la culture ou encore le sexe du patient.
Psychiatre au CHU Saint-Antoine, à Paris, Philippe Nuss souligne que ces symptômes affectent les principales activités du cerveau, à savoir « les émotions, les pensées et la capacité à agir ». Sur le site infopatients-lundbeck.fr il explique l’intérêt d’une cette grille d’analyse pour comprendre la maladie et déceler son apparition.
Symptômes émotionnels
Les symptômes affectant les émotions sont « une tristesse inexplicable, durable et indépendante des événements de la vie ». Ce dernier critère est toutefois délicat à interpréter car, comme l’explique Philippe Nuss, « dans l’espèce humaine, quand on est triste, on a besoin de trouver une cause. Et que cette cause, on va la trouver dans les événement de notre vie » plutôt que de l’attribuer à la maladie. Toutefois d’autres signes peuvent nous alerter, comme l’incapacité à éprouver du plaisir. En effet, ce qui donnait autrefois du plaisir à la personne dépressive, la laisse désormais totalement indifférente.
Pierre Vidailhet, psychiatre au CHU de Strasbourg insiste, lui, sur le caractère évolutif de ces symptômes. Si bien que, pour les proches, la dépression se signale par « une rupture dans la façon d’être de la personne ». Autrement dit, les symptômes doivent être interprétés au regard de l’état précédent. Il faut donc se livrer à un exercice comparatif. C’est la modification qui doit alerter.
Symptômes cognitifs et physiques
De la même façon, les symptômes affectant les pensées se caractérisent par une tournure d’esprit pessimiste et négative. Car la dépression affecte aussi les capacités cognitives. « Pour le dépressif, explique Philippe Nuss, la bouteille à moitié pleine devient à moitié vide ». Tout lui semble dénué d’intérêt et si un événement intrinsèquement positif se produit, la personne atteinte de dépression considérera qu’elle n’est pas en mesure d’y faire face ou d’en tirer parti.
Autre signal d’alerte : l’état de santé général, car la dépression a aussi des effets sur la santé et les capacités physiques. Ce point mérite d’être bien précisé aux proches qui peuvent penser que la dépression n’est pas une authentique maladie : les personnes dépressives sont réellement fatiguées et il est donc absurde de croire qu’elles pourraient guérir en décidant simplement de « se faire violence ». En réalité, sous l’effet de la maladie, elles fonctionnent réellement au ralenti et il arrive même que leur vision se dégrade, que leur odorat se modifie, etc. « Parfois, c’est le corps qui parle le premier », précise encore Philippe Nuss.
Intensité et durée des symptômes
Reste que tous ces symptômes peuvent aussi toucher des personnes victimes d’un coup de cafard passager. Comme le souligne Brigitte Rimlinger, psychiatre à Montpellier, il convient de prendre en compte deux autres curseurs majeurs : l’intensité des symptômes et leur durée. Les personnes dépressives ressentent en effet ces symptômes de façon à la fois intense et durable. Suite à un événement traumatisant comme le décès d’un proche, un échec professionnel ou une rupture amoureuse il est ainsi parfaitement normal de ressentir un certain abattement. Mais, si cet état se prolonge sans perdre en intensité, alors c’est, peut-être, le signe qu’une simple déprime bien compréhensible se mue en maladie nécessitant l’aide de professionnels du corps médical.
Recourir aux professionnels dès que possible
Il convient ici d’insister : la dépression étant une maladie, elle requiert un traitement adapté mêlant le plus souvent accompagnement psychologique et prise de médicaments adaptés. On ne guérit pas sans aide d’une dépression et le recours au corps médical est justifié, y compris lors de la phase de diagnostic. Si des questionnaires (voir encadré) permettent de se livrer à un premier autodiagnostic, seul un médecin sera en mesure de déceler si la personne est atteinte d’une authentique dépression ou d’un trouble émotionnel passager. En cas de doute, lorsque l’on se sent triste, abattu ou déprimé de façon prolongée, le premier réflexe salvateur consiste donc à consulter.
Des questionnaires pour déceler l’état dépressif
Inspirés du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux publié par l’Association américaine de psychiatrie élaboré pour le corps médical, de nombreux questionnaires permettent de mettre en évidence la présence de symptômes dépressifs. Ils reposent tous peu ou prou les questions suivantes :
1. La personne se plaint-elle d’humeur dépressive permanente.
2. Affirme-t-elle qu’elle n’éprouve plus d’intérêt ou de plaisir pour aucune activité.
3 Présente-t-elle un trouble de l’appétit (augmentation ou réduction) net et continuel ou un changement de poids égal ou supérieur à 5 % au cours du dernier mois.
4. Se plaint-elle de troubles du sommeil (insomnie ou hypersomnie) ?
5. Est-elle exagérément agitée ou, au contraire, apathique ?
6. Déplore-t-elle d’être tout le temps fatiguée ?
7. Se sent-elle coupable de façon récurrente ou excessive ?
8. A-t-elle des difficultés de concentration ?
9. A-t-elle des “idées noires”, des pensées morbides (mort, suicide) ?
Si au moins 5 réponses positives sont données à ces questions et qu’une réponse positive est donné à l’une des deux premières questions, alors la probabilité d’une dépression est forte. Toutefois, en cas de doute, mieux vaut consulter un médecin. Seul une personne formée et expérimentée est capable d’interpréter avec pertinence les réponses données à ce type de questionnaires.