Les horreurs continuent mais l’attention médiatique et populaire est ailleurs. « Exécutions sommaires, viols collectifs, pillages… Depuis 2020, le conflit en Éthiopie a fait des milliers de victimes. Tandis que la situation s’enlise, des dizaines de milliers de personnes ont fui les combats, et la famine s’étend. Retour sur une guerre ignorée avec l’éclairage de Fisseha Tekle, l’un de nos chercheurs spécialisés sur l’Éthiopie depuis plus de quinze ans. Les crimes que nous avons documenté constituent des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité » avance Amnesty International qui cherche ainsi à refaire parler de ce conflit.
« Le conflit en Éthiopie a officiellement démarré dans la nuit du 3 au 4 novembre 2020. Le gouvernement éthiopien a accusé les forces du Front de libération des peuples du Tigré (TPLF en anglais) d’avoir attaqué l’armée fédérale éthiopienne basée au Tigré, et a décidé de lancer une offensive dans cette région. En réalité, les tensions politiques dataient de bien avant. Lorsque le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed est arrivé au pouvoir, en avril 2018, les autorités régionales du TPLF [qui ont dominé la vie politique pendant près de trente ans, ndlr] lui ont reproché de les avoir écartées du pouvoir et de marginaliser la minorité tigréenne du pays. De son côté, le gouvernement accusait le TPLF de soutenir des forces d’oppositions, favorisant les tensions dans le pays » explique la chercheuse d’Amnesty.
Alors que pouvoir central a reporté deux fois les élections, les responsables politiques des peuples du Tigré ont organisé leur propre scrutin, dénoncé par Addis-Abeba et annonçant le début de la guerre. « Le conflit, qui a éclaté en novembre 2020, oppose en premier lieu le gouvernement fédéral éthiopien au gouvernement régional du Tigré. Mais il a ravivé d’anciennes querelles et de nombreux d’acteurs s’y sont greffés. De manière générale, tous ceux qui avaient un grief envers le TPLF et sa gouvernance passée de l’Éthiopie ont apporté leur soutien au gouvernement fédéral. C’est le cas des régions d’Amhara et d’Afar qui bordent le Tigré, mais aussi de l’Érythrée, qui a envoyé des forces armées en soutien au gouvernement » ajoute Fisseha Tekle.
Les conséquences de la guerre sont inquiétantes. D’après les chiffres de l’ONU relayés par l’ONG, 22 millions de personnes auraient besoin d’aide humanitaire, 5,5 millions souffriraient de malnutrition et 2,6 millions seraient déplacés.