Speedy Life
Tendances

Mode, le manifeste du surréalisme


Jeudi 5 Juin 2014





Tout le monde n’est pas Dali qui veut, ou Elsa Schiaparelli, avec sa robe homard. Mais aujourd’hui, le surréalisme, et la tendance qui en découle, a de beaux jours devant lui.


Toiletpaper pour M, le magazine du Monde
Toiletpaper pour M, le magazine du Monde
Même si l’esprit de révolte initial a quelque peu disparu. Même s’il n'a plus grand chose à voir avec le mouvement littéraire, artistique et culturel, foudroyant de la première partie du XXème siècle, aujourd’hui, le surréalisme, sous diverses formes, continue de perdurer, et d’inspirer les créateurs. Beaucoup de créateurs.
 
Preuve en est, avec les récentes campagnes Carven, qui imposent des collages de fleurs géantes sur les visuels, ou Sonia Rykiel, avec des profils noirs découpés, en contraste avec le mannequin, les bombers placardés sur le dos, d’yeux et de nez XXL chez Opening Ceremony, clin d'oeil à la peinture de René Magritte. Très influencé par le mouvement, Opening Ceremony, est un multitasking-mode, marque et communauté globale, regroupant e-shops, magasins à travers le monde. Il a été fondé en 2002, par le duo Humberto Leon et Carol Lim, les actuels directeurs artistiques de Kenzo.
 
Opening Ceremony. Toujours eux. On peut aussi citer leur association osée avec le chausseur mythique Manolo Blahnik, et le résultat, leurs escarpins nuageux aux visages qui rappellent ceux de Salvador Dali. Encore aujourd'hui, s'imposent la déclinaison du rêve sous toutes ses formes, l’inconscient, André Breton, et son manifeste surréaliste, datant de 1924.
 
Si la mode est faire du neuf avec du vieux, alors, le surréalisme en 2014, est aussi vivace et actuel que quatre-vingt-dix ans plus tôt. Le mouvement, continue de représenter une mine d’inspiration, pour les créateurs d’aujourd’hui. Surtout, il n’a pas pris une ride. La preuve, Kenzine, dérivé du blog de Kenzo, et magazine en ligne, fusionne avec la revue subversive Toiletpaper, revue avant-gardiste fondée en 2010 par l’artiste contemporain italien Maurizio Cattelan et le photographe Pierpaolo Ferrari, en donne toute la portée.

Aujourd’hui, Toiletpaper continue de twister les codes de la mode, de la publicité et du cinéma avec des images iconoclastes, décalées, dérangeantes parfois aussi. Il a d’ailleurs, depuis quelques semaines, carte blanche dans M, le magazine du Monde, et livre des photos déjantées et rafraîchissantes, sélectionnées dans les archives.

Au-delà, dans une époque normative, resserrée, où rien ne doit dépasser, le surréalisme et ses interprétations 2014, sont un moyen de renvoyer dans leurs buts les codes trop établis d’une société rangée, de semer le trouble, de chahuter, d'interroger. Parce que le surréalisme, c’est cela aussi : s’affranchir du contrôle de la raison, et combattre les idées reçues et les valeurs en cours.
 
La boucle étant presque bouclée, la marque Kenzo, donc, animée par Leon et Carol Lim d’Opening Ceremony, puise dans ce registre, jusqu’à faire de cette esthétique, un signe de reconnaissance de la marque. C’est d’une netteté absolue, et dans les campagnes récentes, et dans les collections de prêt-à-porter, avec des accessoires ou des pièces - sweats aux yeux géants - reconnaissables entre tous.
 
Pour sa part, la créatrice franco-italienne de bijoux Delfina Delletrez, s'inspire aussi de ce courant. Elle est connue pour ses pièces surréalistes - bagues insectes, têtes de mort - et a imaginé un site qui n’est pas sans rappeler le tableau à la montre liquide de Salvador Dali. Tout y est, les nez gigantesques, les oreilles XXL, le ciel bleu comme un décor, et ses bijoux, au milieu. Même la maison Hermès, s’y met, avec son clip « Metamorphose ». La déco n’est pas en reste, avec une multitude de décors trompe-l'œil inspirés de Piero Fornasetti. Dans un monde bien ordonné, la toute puissance du rêve a encore sa place. Dieu merci. Merci André Breton, Man Ray et consorts.

Sweat Kenzo
Sweat Kenzo