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Pas de nouvelles, bonnes nouvelles


Lundi 20 Avril 2015





Stressés et déprimés par le flux incessant des infos, certains jusqu’au boutistes ont décidé de ne plus regarder ou écouter les nouvelles. Phobie ou bon sens ?


Pas de nouvelles, bonnes nouvelles
BFMTV, iTÉLÉ… Images en boucle, hystérie, commentaires parfois aléatoires… Les chaînes d’infos en continue sont peut-être responsables de ce grand écœurement ? Certaines personnes, même des news addicts, se sentent étouffées par la surdose d’informations, de notifications, d’alertes. Résultat, elles débranchent. Elles coupent le fil continu. Les désastres et la tristesse ambiante les désarment. On les appelle les refuzniks de l’actu. Ils renoncent à cette info-émotion hypnotique dont on nous abreuve.
 
Naturellement, pour certains, l’étape suivante est donc de se débarrasser de sa télévision ou de ne plus l’allumer, de ne plus ouvrir les journaux, de se déconnecter d'Internet ou de couper son smartphone… L’Obs rapporte ainsi les propos de la chanteuse Soko. À Next, elle disait en février dernier : « Depuis le 11 septembre 2001, je ne suis plus l’actualité, je ne regarde plus les infos. » Plus récemment, le journaliste et auteur Guy Birenbaum a sorti aux Arènes, Vous m’avez manqué. Histoire d’une dépression française. Le récit de son implosion d’hyperconnecté.
 
Hyperconnexion, « infobésité »… Il s’avère qu’en effet, selon l’université californienne de Berkeley, au niveau du monde, l’information a été multipliée par un peu plus de deux entre 1999 et 2002. Plus largement,The Economist estime que le volume d’informations disponibles au format numérique double tous les quatre ans. Dans tous les cas, « cette surcharge informationnelle entraîne fragmentation de l’attention et paralysie, avec pour conséquence une forte anxiété», souligne Caroline Sauvajol-Rialland, auteur d’InfobésitéComprendre et maîtriser la déferlante d’informations, un essai publié chez Vuibert.
 
Même constat pour le psychanalyste Michael Stora, pourtant fin analyste des écosystèmes numériques. Au Nouvel Observateur, il raconte : « Je mettais France Info en boucle en me réveillant. J’étais hyper anxieux. J’ai fini par faire le lien entre mon état et cette habitude. » Le chercheur va plus loin : « Le phénomène du « sans transition » est très violent pour les êtres humains. Nous avons besoin de faire des liens pour passer d’une idée à une autre (…) Or les informations sont balancées sans cohérence narrative : le journaliste colle une bonne nouvelle derrière une autre très mauvaise. C’est de l’ordre de l’injonction paradoxale : dire quelque chose et son contraire. L’information semble folle. »

L’information est donnée en pâture sans analyse. Du coup, pour ne pas devenir fou devant cette profusion sans hiérarchie d’informations, comparée à de la junk news en référence à la junk food, certains praticiens prescrivent des sevrages progressifs de la « boîte à bruit », à certains patients dépressifs. Car les mauvaises nouvelles peuvent entraîner des sentiments d’impuissance et de frustration, de malaise, de tristesse. Parfois, le régime sec, sans info, est la solution. 

C'est la diète d’informations, conceptualisée par l’Américain Timothy Ferris dans son best seller, La Semaine de 4 heures (Pearson). Sans aller jusqu'au là, on peut imaginer faire le tri, agir sur le flux. La conclusion revient ainsi à Caroline Sauvajol-Rialland : « Il nous faudra juste devenir nos propres directeurs de l’information. » De quoi éviter « l’infobésité » ambiante.