Speedy Life
Découverte

Quand les entrepreneurs restaurent le patrimoine


Speedy Life
Mardi 8 Juillet 2014





Si la restauration du patrimoine est une mission que l’on associe plus volontiers aux organisations publiques, les entrepreneurs jouent aussi, à des niveaux différents, un rôle notable dans la préservation et la sauvegarde des trésors de l’humanité.


Vaux-le-Vicomte en cours de restauration (licence Creative Commons)
Vaux-le-Vicomte en cours de restauration (licence Creative Commons)
Racines et attachement 

Comme tout un chacun, les entrepreneurs sont des personnes issues d’une histoire, et porteurs d’attaches. Et c’est en tant qu’individus, à l’instar de n’importe quel particulier, que certains d’entre eux ont à cœur d’investir le fruit de leur travail dans la restauration de monuments qui ont une valeur particulière pour eux.

C’est une histoire de famille qui a conduit Michel David-Weill, le président d’Eurazeo, et entrepreneur au CV bien rempli dans les domaines de la banque et de la finance, à devenir le restaurateur du château de Hautefort, situé en Dordogne. Sa tante, la baronne de Bastard, avait en effet consacré une grande partie de sa vie à sa remise en état – et par deux fois, un incendie ayant une première fois ruiné l’ensemble de ses efforts. Michel David-Weill continue d’investir personnellement et par le biais de la fondation dirigée par son épouse dans la préservation et l’amélioration du monument, qui accueille désormais 70 000 visiteurs par an. Son histoire mêle sans conteste attaches familiales et passion, puisque Michel David-Weill est également un grand féru d’art, très impliqué dans la vie artistique française. Il confie d’ailleurs : « malgré la crise, les arts ne se portent pas si mal, y compris au niveau de l’acquisition publique d’œuvres ».
 
C’est aussi pour une histoire de famille qu’Yves Laisné, qui est à la tête d’un cabinet de conseil juridique aux entreprises en difficulté, s’est consacré à la restauration du château de Bützow, situé dans le nord-est de l’Allemagne en investissant « tous les excédents qu’[il] peut dégager ». Si le lieu l’a séduit, c’est aussi un choix symbolique tenant à la fois d’une volonté de réconciliation et à la fois d’enracinement familial  car une partie de sa famille allemande a été exterminée par les nazis. Yves Laisné a choisi de réinvestir la part d’héritage issue de cette branche, un immeuble à Berlin qu’il a revendu pour acquérir le château de Bützow, dans le pays qui a été la scène de cet épisode douloureux de son histoire familiale. Sans rancœur à l’égard des « allemands d’aujourd’hui [qui] ne sont pas responsables de ce qu’ont fait leurs grands-parents », Yves Laisné constate finalement que « le choix de l’Allemagne est quelque part un choix de destinée ». Et dans lequel il participe même, à son échelle, à la restauration du patrimoine.

Une histoire de passion

Car la mobilisation de ces entrepreneurs pour la sauvegarde du patrimoine n’est généralement pas qu’une affaire de poids de l’histoire, c’est aussi une affaire de passion. Il en faut en effet pour (s’)investir dans ces chantiers d’envergure, tant dans leur ampleur que dans la durée. Pierre Cardin, qui a racheté il y a une quinzaine d’années le château du marquis de Sade à Lacoste, dans le Vaucluse, n’avait même aucun lien familial ou historique avec la région. Seulement un coup de foudre pour ce qui était à l’époque une ruine, et qu’il a entièrement rénovée, allant jusqu’à y organiser un festival annuel de théâtre, danse et opéra, lieu d’expression de ses propres centres d’intérêt. Il ne minimise d’ailleurs pas son rôle dans la renaissance des lieux : « ce que j’ai fait ici, en investissant plus de 10 millions d’euros, même l’Etat ne pourrait pas le faire ».

La restauration du patrimoine au programme des politiques d’entreprises

A une plus grande échelle, la restauration du patrimoine dépasse parfois l’entrepreneur en tant que personne pour s’inviter dans ses décisions en tant que chef d’entreprise. C’est ainsi que le mécénat patrimonial fait désormais partie des actions de plusieurs grandes entreprises, notamment par le biais de leurs fondations. La fondation Total est par exemple le premier mécène de la Fondation du Patrimoine, qui sauvegarde et valorise le patrimoine rural non protégé. Thierry Desmarest, président d’honneur du conseil d’administration de Total, détaille : « avec la Fondation du Patrimoine, nous réhabilitons des bâtiments qui vont de l’aqueduc romain vieux de 20 siècles à des usines désaffectées du début de XXème siècle ». Ici, s’il faut sans doute voir un attachement de l’entrepreneur et de l’entreprise au patrimoine qu’il contribue à sauvegarder, il s’agit également d’une politique qui a des objectifs, et des répercutions, sur l’image, le prestige, et la légitimité du groupe.

La même observation peut être faite à propos de la très médiatique opération menée par Vinci pour la restauration de la Galerie des Glaces du château de Versailles. Ce projet de mécénat culturel d’une ampleur exceptionnelle (12 millions d’euros) reposait sur un mécénat de compétence : Vinci offrait le financement, mais également ses équipes et savoir-faire déployés sur le chantier. « C’était le chantier de tous les dangers », a déclaré Pierre Coppey, alors DGA. Car avec une telle mise sous les projecteurs, le moindre échec aurait eu de sérieuses répercussions sur la crédibilité du groupe. Mais il n’en a rien été, et le résultat a été unanimement salué. Pour le plus grand bien de Vinci, son image et sa politique RH qui a rassemblé ses collaborateurs autour d’un grand projet fédérateur... Mais aussi pour le bien du château de Versailles.

Car finalement, le premier bénéficiaire de ces initiatives de petite ou grande échelle émanant de ces entrepreneurs impliqués, est de toute façon… le patrimoine lui-même.   
 
 




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