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Bien-être

La diététicienne, cette alliée indispensable du médecin


N. Perrin
Mardi 11 Juillet 2023





Si la diététique est la science de l’hygiène alimentaire, les professionnels de cette discipline ne sont pas toujours considérés à leur juste valeur. Les diététiciens sont, en effet, souvent perçus comme des spécialistes uniquement à même d’élaborer des menus plus sains et équilibrés. Or, leur rôle est beaucoup vaste car la lutte contre la surcharge pondérale permet de prévenir de nombreuses maladies. Cap sur une discipline indispensable à notre santé et pourtant trop peu mise en avant.


« Chacun sait aujourd’hui que la nutrition est une dimension fondamentale de la santé humaine », analyse l’Association Française des Diététiciens Nutritionnistes (AFDN), dans son livre blanc publié en 2017. La prise de conscience a lieu à tous les niveaux et les pouvoirs publics ont même engagé des campagnes de sensibilisation depuis plusieurs années avec notamment le Programme national nutrition santé (PNNS) lancé dès 2001. La mauvaise alimentation et la sédentarité comme sources de prise de poids et de maladies sont désormais bien identifiées, mais le diététicien, seul véritable expert en nutrition, tant en ville qu’en établissement de soins et collectif, a du mal à se faire entendre. La faute, peut-être, à une formation initiale et un dispositif de prévention qui ne répondent qu’imparfaitement aux besoins actuels de santé publique. 

La nutrition au cœur des enjeux de santé publique

« On est ce que l’on mange ». Cette expression bien connue semble devoir se confirmer la plupart du temps. Car au-delà d’une silhouette svelte ou plus imposante, l’organisme est dépendant de ce que nous mangeons et réagit en conséquence. Plusieurs études ont démontré que le surpoids est associé à une augmentation significative du risque de développer une maladie cardiaque, de l'hypertension artérielle et le diabète de type 2. « La perte de poids peut réduire les risques pour la santé associés au surpoids ou à l'obésité », soulignent les Pr David J Johnes, Susan A. Jebb et Paul Aveyard, auteurs principaux d’une étude sur les programmes de gestion du poids parue dans le Journal of the Academy of Nutrition and Dietetics. Le diététicien a donc un rôle clé à jouer, curatif mais également préventif.

Le travail du diététicien consiste à éduquer les patients en leur prodiguant des conseils nutritionnels afin qu’ils s’alimentent sainement et ne tombent pas dans des troubles nutritionnels aux conséquences parfois très lourdes. Lorsque les patients souffrent déjà de surpoids ou d’un rapport problématique à la nourriture, le diététicien veille alors à améliorer l’approche nutritionnelle, à réduire puis éliminer le surpoids tout en tenant compte des maladies diagnostiquées associées à la surcharge pondérale.

Cette double casquette appelle cependant une approche plus moderne de la diététique. En effet, un apport scientifique plus solide aux praticiens est aujourd’hui incontournable pour prendre en compte toutes les conséquences médicales liées à une surcharge pondérale. Cela passe donc par une formation plus complète des diététiciens. 

Vers une formation plus médicale de la diététique ?

Afin de s’imposer comme le référent en matière de nutrition, les diététiciens, en France, doivent peut-être pouvoir compter sur une formation mieux adaptée aux nouveaux enjeux. Le programme de formation initiale n’a pas été modifié depuis 1987 pour les BTS, et depuis 2005 pour les DUT. Les connaissances et l’approche ne semblent plus être tout à fait en adéquation avec les besoins. « Le programme du BTS diététique étant conçu en grande partie pour travailler dans des établissements et dans des collectivités (hôpitaux, clinique, EHPAD, crèches, cantines, …), la formation des diététiciens ne correspond pas, aux dires des médecins,  aux besoins de leurs patients ,souvent atteints de pathologies chroniques graves et invalidantes », explique Rémy Legrand, concepteur du programme de Rééducation Nutritionnelle et Psycho-Comportementale (RNPC).

Aujourd’hui en Europe, la France est l’un des seuls pays, avec l’Allemagne, à offrir une formation initiale de seulement deux ans (dans le secteur public) alors que les autres États proposent des cursus de trois à cinq ans. Un delta qui ne joue pas en faveur des diététiciens exerçant dans l’Hexagone et qui a tendance à marginaliser ces professionnels. Remettre les diététiciens au centre du dispositif de suivi des patients est au cœur de la vision portée par Rémy Legrand qui a fondé le Groupe Éthique & Santé et le réseau de centres RNPC à cette fin. Afin d’aider les patients à perdre du poids, un expert de la nutrition doit être le principal interlocuteur en relation étroite avec le médecin traitant. Une urgence à l’heure où la population française est de plus en plus atteinte de surcharge pondérale et est donc exposée aux nombreuses maladies qui y sont liées.

En France, près d’un adulte sur deux est en surpoids et la tendance est mauvaise. L’objectif devra donc être la mise en place de meilleurs protocoles de soin permettant une perte de poids conséquente et une stabilisation pondérale sur le long terme. « Nous réalisons en permanence une veille scientifique afin d’améliorer continuellement le protocole du Programme RNPC sur la base des découvertes scientifiques et médicales les plus récentes les plus innovantes », explique Rémy Legrand. Une étude franco-danoise réalisée en 2019 sur 12 000 patients du programme RNPC semble donner raison à cette démarche scientifique avec 90% des patients qui ont finalement atteint leur objectif de poids.

Une démarche qui met bien au centre de son dispositif le diététicien comme le médecin traitant. Cette approche fait également écho à la quête de sens de nombreux diététiciens à l’image de Daisy Bodin, ancienne diététicienne libérale qui a rejoint le réseau RNPC en 2019 afin de se former à cette méthode et retrouver l’importance de la diététique dans le parcours médical des patients. Une formation scientifique offrant aussi la possibilité de se concentrer sur l’aspect humain avec des patients au parcours parfois lourd et qui « ont besoin d’être entendus, écoutés et encouragés ».

En relation étroite avec le médecin traitant, le diététicien doit trouver sa juste place afin qu’une mauvaise alimentation ne devienne pas la source de multiples problèmes de santé. C’est pourquoi un cursus initial plus long et une formation continue tout au long de la carrière sont deux chantiers que les pouvoirs publics auraient certainement intérêt à ouvrir. Le dialogue entre le diététicien et les autres acteurs de santé doit gagner en intensité et en qualité afin que chacun trouve sa place et puisse parfaitement guider les patients. En prenant plus d’ampleur dans le quotidien des patients, le diététicien jouera un rôle central, non seulement dans la prévention des maladies liées au surpoids, mais également dans leur prise en charge en proposant notamment des solutions non-médicamenteuses contribuant à une meilleure efficacité des médicaments (le cas échéant, quand la maladie est déjà présente). Car n’oubliant pas que de nombreux médicaments (tels que ceux prescrits pour l’hypertension, le diabète ou l’hypercholestérolémie), pour être pleinement efficaces, doivent impérativement être associés à l’application de règles hygiénodiététiques strictes basées sur une alimentation pauvre en sucres, graisses et sel, et la pratique régulière d’une activité physique.

L’épidémie de surpoids qui frappe la France et la plupart des pays les plus développés appelle une refonte des dispositifs de prévention et de soins. Contrôler et adapter son alimentation en fonction de ses besoins et lutter contre la sédentarité sont plus que jamais nécessaires pour mener à bien un combat auquel le diététicien doit prendre toute sa place. L’enjeu de santé publique est immense. 




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